GHISLAIN ROYEN
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PRIVILEGES ? Quels Privilèges ?
Bien que notre Constitution (article 10) énonce expressément qu’il n’y a « aucune distinction d’ordre » et que tous « les belges sont égaux devant la loi », il n’en demeure pas moins que dans certaines circonstances et certaines conditions, certains d’entre nous bénéficient de privilège ! Qu’est-ce à dire ?
Il faut évidemment préciser que cette matière ne touche que la question des récupérations de créance. En principe, en effet, lorsqu’un débiteur est confronté à plusieurs créanciers et que les actifs qu’il peut présenter ne peuvent suffire à régler tout son passif, la répartition du disponible s’effectuera selon ce qu’on appelle la « loi du concours », les actifs étant répartis selon l’importance respective de chaque créance, « au marc le franc ».
Cela évidemment après que les frais de la vente de ces actifs et toutes les démarches d’huissiers entreprises pour la récupération auront été payées.
A cette règle de base, la loi hypothécaire ainsi qu’un certain nombre de lois spéciales, notamment en matière fiscale, apportent un certain nombre d’exceptions permettant à certains créanciers de passer prendre leur paiement de leur créance avant la situation de concours.
On relèvera tout d’abord les situations contractuelles où le créancier dispose d’une « Sureté » qui lui permet d’obtenir paiement par préférence : c’est typiquement le cas du gage mobilier, du gage sur fonds de commerce et de l’hypothèque. Le prix d’un immeuble hypothéqué est bien évidemment d’abord affecté au paiement de ce créancier hypothécaire qui passe avant tout autre créancier, même le fisc.
Plus fréquents sont les privilèges que la loi a institués au profit de certains créanciers : ces privilèges porteront soit sur la totalité des biens du débiteur (les privilèges généraux) soit sur certains biens ou revenus nettement spécifiés (les privilèges spéciaux).
Il serait évidemment fastidieux de reprendre ici le détail de chaque privilège ainsi créé par la loi et je n’en citerai pour mémoire que quelques-uns parmi les privilèges généraux (article 19 de la loi hypothécaire) :
- Les frais de justice exposés pour l’intérêt commun des créanciers
- Les frais funéraires
- Les créances alimentaires (plafonnées à un certain montant)
- Les créances de personnel, de l’ONSS, des Caisses d’Assurances Sociales, de la TVA, des contributions, à l’ISOC, …
De leur côté, les privilèges spéciaux (article 20 de la loi hypothécaire) précisent évidemment :
- d’une part la créance qui en bénéficie
- d’autre part, ce sur quoi, bien ou créance, porte ce privilège (on parle d’assiette du privilège).
A ce titre, on évoquera notamment :
- La créance du bailleur dont le privilège porte sur les biens qui garnissent l’immeuble loué et sur « la récolte de l’année » en matière agricole.
- La créance pour des frais qui ont été exposés pour la conservation d’un bien du débiteur, qui est privilégié sur le prix de ce bien (article 20. 4e)
- La créance du vendeur de bien mobilier qui bénéficie d’un privilège sur le bien vendu si ce bien se trouve encore en possession de l’acheteur et si ce bien n’a pas été incorporé dans un immeuble privé ( art 20.5° ).
- La créance de l’entrepreneur sous-traitant (article 20.12°), l’assiette de son privilège étant la créance que détient l’entrepreneur–débiteur à l’égard du rendeur.
Il va de soi que s’il n’y a pas d’assiette (parce que le rendeur a déjà payé sa facture, parce que le locataire n’est propriétaire d’aucun mobilier ou que son
mobilier n’a aucune valeur, parce que le véhicule réparé par le garagiste qui en
a assuré la conservation est un véhicule pris en leasing…), il n’y pas de privilège
de telle sorte que le créancier retombe au rang de créancier ordinaire ( la loi qualifie ce créancier de « chirographaire »).
La loi détermine par ailleurs le rang que prennent ses différents privilèges les uns par rapport aux autres, de manière à permettre aux huissiers, notaires et curateurs à la faillite du débiteur de déterminer l’ordre des paiements.
Il faut enfin réserver une place aux « sûretés personnelles » qui permettent aux créanciers de demander paiement à d’autres personnes que le débiteur qui se sont portés garantes des engagements de celui-ci : Caution, codébiteur solidaire, cautionnement bancaire, aval donné sur une lettre de change, etc….
Sauf quand la loi y oblige, (dans le cadre des régimes matrimoniaux autre que la séparation de biens, ou en matière de contrat d’entreprise de transports ou de construction, vis-à-vis de l’ONSS), cet engagement personnel requiert un acte juridique par lequel le garant s’engage au côté du débiteur : Les organismes bancaires exigent par exemple que généralement que le gérant d’une société qui contracte un emprunt s’engage personnellement aux côtés de la société.
A cet égard, on retiendra quand même que le système de l’aval sur une traite, lettre de change) présente ce même avantage avec une facilité d’émission et de rédaction. Il permet de se réserver une garantie complémentaire de paiement d’une créance. C’est donc un système qui devrait être utilisé plus régulièrement.
Aubel, le 23.09.2020