GHISLAIN ROYEN
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Retard dans l'exécution des contrats et covid 19
Le retard dans l’exécution des obligations
Votre fournisseur ne vous a pas livré à la date convenue la marchandise que vous lui aviez commandée ?
Les travaux que l’entrepreneur devait effectuer à votre immeuble n’ont pas été effectués dans le délai imparti ?
En ″temps normal″, ces faits constitueraient à coup sûr des fautes contractuelles engageant la responsabilité de votre partenaire commercial…
…mais il est vrai que nous ne sommes pas, pour l’instant, ″temps normal″.
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- Il faut tout d’abord rappeler que le respect des délais d’exécution d’un contrat, dont les délais de livraison, constitue une obligation même s’ils ne sont pas expressément prévus au bon de commande ou dans le contrat : toute entreprise, tout opérateur économique, est tenu d’une obligation de diligence qui doit évidemment s’apprécier dans un cadre raisonnable.
Ce devoir de diligence est parfois expressément prévu par la Loi, comme c’est le cas en matière de transport de marchandises par route puisque l’article 19 de la Convention Internationale CMR qui régit la matière rend l’entreprise de transport responsable du retard soit par rapport à ce qui a été expressément prévu à la lettre de voiture et au contrat, soit plus simplement par rapport au « temps qu’il est raisonnable d’allouer à des transporteurs diligents ».
Hors obligation légale, le délai d’exécution est souvent prévu au contrat, comme c’est le cas dans la plupart des contrats d’entreprises pour des travaux de construction, moyennant amendes de retard, ou plus simplement au bon de commande et sur les factures qui prévoient payement au comptant ou à délai fixe. La loi du 2.08.2002 fixe d’ailleurs à 30 jours de la date de facturation le délai maximum d’attente de payement si les conditions générales ne fixent pas un plus court délai.
On voit aussi que les jugements qui autorisent un débiteur à s’acquitter de sa dette par des versements mensuels fixer une « clause résolutoire » qui implique que le défaut de payement d’une seule échéance rend tout le solde impayé immédiatement exigible.
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- Ce devoir de diligence, s’il n’est pas respecté, permet-il au partenaire commercial, au client, de mettre en cause l’existence même ou la poursuite du contrat ?
Il est certain que le retard équivaut à une exécution totale du contrat si le partenaire commercial avait un intérêt contractuel tellement essentiel à recevoir livraison ou exécution du contrat au moment convenu que cette livraison n’a plus d’intérêt pour lui si elle intervient après la période convenue ( l’exemple type des décorations de Noël qui sont livrées après les fêtes…).
Dans ce cas, le partenaire commercial pourra exiger :
- Résolution[1] du contrat aux torts du retardataire
- Des dommages et Intérêts pour le préjudice qu’il subit
Mais pour obtenir ce résultat, la victime du retard aura dû prendre un certain nombre de mesures : il devra d’abord mettre en demeure son fournisseur en lui adressant courrier ( recommandé de préférence ), courriels dont il conservera prudemment la copie et la preuve d’envoi.
A défaut d’accord entre parties, il devra en outre procéder par voie judiciaire en résolution du contrat en justifiant de la faute commise par son co-contractant et du dommage qu’il en subit.
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- Pour se défendre et se justifier, l’entrepreneur en retard peut invoquer différents argument dont on retiendra principalement les suivants :
- La faute de son client : il va de soi que si le promoteur immobilier n’a pas fait exécuter les travaux préparatoires, comme le creusement des fondations, avant l’arrivée de l’entreprise chargée de construire un immeuble, l’entreprise de construction ne peut se voir reprocher aucun retard dans le planning..
- L’entreprise peut en outre se revendiquer, le cas échéant, d’une force majeure ou cas fortuit, que le Code Civil définit comme suit en son article 1148 : comme l’empêchant « de faire ce à quoi il était obligé ».
La force majeure doit être insurmontable, à savoir que l’exécution du contrat doit être normalement impossible eu égard aux circonstances et conditions de vie. Elle est normalement imprévisible.
On assimile généralement à la force majeure ces circonstances que les juristes appellent le « fait du prince » qui désigne tout empêchement résultant d’un ordre ou d’une interdiction émanant de l’autorité publique.
Il me parait donc qu’il ne fait aucun doute que les tribunaux feront une large application de la notion de force majeure dans tous les litiges qui seront soumis à la Justice comme résultant des retards d’exécution de conventions souscrites avant la crise actuelle.
On a un temps même évoqué dans la presse que le Gouvernement envisageait de créer une « présomption de force majeure » mais pour l’instant cette mesure ne parait pas encore avoir été prise et l’on se limite pour l’instant à des règlementations qui prolongent les délais de prescription en matière civile et pénale ainsi que des autorisations de report d’assemblées générales en droit des sociétés et en matière de copropriété.
On a aussi annoncé et on attend des mesures de suspension en matière de saisies et de la législation sur la faillite.
Avant donc d’envisager « l’annulation » de commandes passées ou la mise en cause de la responsabilité de vos partenaires commerciaux pour des retards ou difficultés de livraison ou d’exécution, il convient donc de rester prudent et d’envisager quels effets les mesures de confinement ont pu avoir sur la chaine de production en amont de la livraison. Il semble que dans les matières que les gouvernements n’ont pas considérées comme « essentielles », ces retards pourront être tenus pour non fautifs.
[1] Petite précision de langage : on parle de résolution du contrat parce que ce problème intervient dans le cadre de l’exécution de celui-ci, même si, souvent on évoque une « annulation » dans ces circonstances. L’annulation est la sanction d’un contrat qui n’a pas été valablement conclu, la résolution est la sanction d’un contrat déjà conclu mais non ou mal exécuté.