GHISLAIN ROYEN
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Le Règlement Européen relatif à la récupération transfrontalière des créances
De quel compte bancaire votre débiteur est-il titulaire ?
- La loi du 18 juin 2019 a (enfin) mis en œuvre en droit belge les effets du Règlement Européen 655/2014 du 15 mai 2015 qui instaure une procédure de saisie conservatoire des comptes bancaires « destinée à faciliter le recouvrement transfrontalier de créances civiles et commerciales ».
La saisie conservatoire était bien évidemment possible dans les droits des Etats de l’Union Européenne avant ce Règlement. Rappelons qu’une saisie conservatoire a pour effet de bloquer un élément d’actif ( meuble, immeuble ou créance ) dont un débiteur est titulaire et de lui interdire d’en s’en défaire jusqu’à décision judiciaire finale : un bâtiment saisi ne peut évidemment être vendu, et une créance saisie ne peut être payée par celui qui en est redevable.
Ce qui rend intéressant celui-ci, c’est qu’il comporte une innovation toute particulière permettant, en marge de la saisie, d’obtenir des informations sur l’existence des comptes bancaires dont le débiteur est titulaire.
- Un créancier qui bénéficie d’un Jugement de condamnation de son débiteur, d’un acte notarié qui lui permettent de procéder à une saisie, ou même, à défaut de tels documents exécutoires, s’il est titulaire d’une créance importante et qu’il dispose d’éléments de preuve suffisants, peut donc désormais obtenir « les informations nécessaires pour permettre d’identifier la ou les banques, le ou les comptes du débiteur » , comme le prévoit le nouvel article 1447/1 du Code Judiciaire belge.
Ces informations doivent être fournies par les institutions bancaires, sous peine de sanction, sur la demande qui leur sera adressée par une institution désignée par chaque législation nationale.
- Chaque pays a donc du désigner une Institution chargée de cette mission de renseignements et les Juridictions qui auront pouvoir d’interroger cette Institution. Chez nous, c’est le Juge des Saisies du Tribunal de Première Instance qui est désigné pour cette mission et la Chambre Nationale des Huissiers de Justice qui aura pour mission d’interroger la Banque Nationale sur l’existence des comptes bancaires du débiteur.
Les Institutions dont question, dans les pays voisins, sont les suivantes :
- Au Grand Duché du Luxembourg : la Commission de Surveillance du Secteur Financier
- En France, le FICOBA géré par la Direction générale des finances publiques
- En Allemagne, le Bundesamt für Justiz, autrement dit, l’administration du Ministère de la Justice, comme c’est également le cas dans divers autres pays de l’Union.
- Aux Pays bas, ces sont les huissiers de Justice qui semblent avoir pour mission d’interroger les banques …Vont-ils le faire eux- mêmes ( avec une sérieuse accumulation de coûts ) ou par l’intermédiaire d’une autorité centrale, la suite nous le dira
Il n’étonnera personne que ce Règlement, bien qu’antérieur au Brexit, n’est évidemment pas applicable au Royaume Uni. Il ne l’est pas non plus au Danemark.
Quel sera le juge national compétent ? Le Règlement Européen énonce que c’est le Juge du pays dans lequel le titre exécutoire ( jugement, acte notarié ) a été établi qui sera compétent pour interroger l’institution désignée par le pays concerné.
Cela vous parait compliqué ? Prenons l’exemple d’un ressortissant belge qui obtient en Belgique un Jugement condamnant un polonais au payement d’un certain montant : il déposera une requête auprès du Juge belge ( le Juge des saisies ) qui adressera demande auprès de l’autorité polonaise chargée de la demande de renseignements ( en l’espèce il s’agit du Ministère de la Justice ). L’autorité communiquera les renseignements et saisie conservatoire des comptes sera pratiquée, interdisant au débiteur de s’en servir, de les vider et assurant donc au créancier belge la possibilité d’obtenir un payement à concurrence de ce qui se trouve déposé sur les comptes dont question.
- On peut évidement se demander quels éléments le créancier devra produire pour obtenir l’autorisation qu’il sollicite du Juge : le texte légal en effet énonce sans autre précision que cette demande de renseignement et de saisie est ouverte à tout créancier qui « a des raisons de croire que le débiteur détient un ou plusieurs comptes » dans le pays interrogé, ce qui laisse évidemment la porte ouverte à beaucoup d’interprétations.
Si l’on peut raisonnablement envisager que le débiteur a forcément un ou plusieurs comptes bancaires dans le pays où se trouve son domicile ou son siège social ( c’est même une obligation pour les personnes morales ) , il faudra sans doute avancer d’autres arguments pour chercher des comptes ouverts dans d’autres états que ceux du siège social ou du domicile.
Par contre, la Loi précise bien qu’il n’est pas nécessaire de connaitre le nom ou l’adresse de la banque, le numéro de compte ni les codes BIC ou IBAN…
- Mais !...
Il y a évidemment un mais…Cette procédure a été instaurée dans le cadre de « recouvrement transfrontaliers de créance en matière civile et commerciale ».
Sont donc exclus : les récupérations fiscales, les litiges familiaux ou de sécurité sociale : l’ONSS, et le receveur des contributions, voire une ex épouse impayée de ses parts contributives ne pourraient utiliser de cette procédure…à voir et sans doute à revoir bien évidemment.
On peut par ailleurs s’interroger sur l’application de ces dispositions à des litiges strictement nationaux puisque le Règlement ne concerne que des recouvrements « transfrontaliers ». En l’état actuel de l’appréciation de la question, il semble ( mais ce n’est pas encore certain tout à fait ) que le Code Judiciaire ouvre cette procédure pour des demandes purement internes quand le créancier et le débiteur sont tous deux soumis au droit belge, car dans le cas contraire, il y aurait sans doute violation de notre Constitution qui garantit un traitement équivalent au Justiciable belge et au Justiciable étranger.
Toutefois, dans un Jugement récent (5 mars dernier ), le Juge des saisies de Liège a précisé que cette demande de renseignement serait valable entre belges …lorsque la chambre nationale des huissiers aura finalisé son registre, ce qui, avant Coronavirus, était annoncé pour juillet 2020.
Conclusion
Cette nouveauté que la Belgique a mis un certain temps à mettre en œuvre sur son territoire assure aux entreprise un moyen nouveau permettant effectivement de faciliter la récupération des créances en compensant les difficultés issues du secret bancaire et des interprétations très générales du RGPD qui sont invoquées par les banques pour faire obstacle à toute demande de renseignement.
Il reste évidemment que si le débiteur n’a rien déposé sur son compte …