GHISLAIN ROYEN
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la récupération des impayés
J’espérais, comme je l’indiquais dans le premier envoi en novembre dernier, pouvoir tenir un rythme mensuel dans mes communications. Le temps n’est cependant pas élastique et cette activité rédactionnelle ne pouvant retarder la charge normale d’un cabinet d’avocat toujours solitaire, il ne m’a pas été possible de rédiger en janvier, sous peine de retarder l’activité primordiale que constitue la gestion de la défense des intérêts des clients de l’étude…
En décembre dernier, nous évoquions la facture et le crédit. Suite logique de ce précédent exposé :
Qu’en est il de la récupération des impayés ?
Un nombre hélas important de créances ne sont pas honorées à temps et les mauvais payeurs demeurent légion : si bien des débiteurs sont effectivement malheureux et de bonne foi, il faut bien constater que tous les mauvais prétextes sont fréquemment utilisés et que le retard ou le défaut de payement son de commodes moyens de se procurer du crédit pas cher et à bon compte sur le dos des fournisseurs.
Par ailleurs, il faut bien admettre notre société met plutôt en exergue les revendicatifs et les contestataires que les gens de parole et respectueux de leurs engagements, et qu’enfin dans notre société de consommation, il faut tout et tout de suite, et tant pis si l’on n’a pas de quoi payer…
A chacun son métier et celui de consentir du crédit doit, en règle, être réservé aux banquiers qui en font profession. Donner du crédit ne devrait donc pas incomber au fournisseur ou à l’entrepreneur et, s’il n’est pas possible d’obtenir payement comptant, il convient de se montrer particulièrement prudent. Quelques précautions peuvent donc s’avérer utiles et opportunes :
- Il importe de connaitre son débiteur, quelle est son activité économique, ou l’origine de ses revenus ( employeur….), quelle est la banque où il a son ou ses comptes par lesquels il effectue ses payements, quels sont ses clients principaux ou habituels, de quel matériel il dispose, etc… soit autant d’éléments qui pourront le cas échéant s’avérer utile pour une mesure d’exécution. J’y reviendrai un peu plus loin
- On peut demander des garanties, comme un engagement de caution du gérant si le débiteur est une société, ou du conjoint ou compagnon de celui-ci, voire établir une lettre de change où le gérant ou le conjoint s’engagerait comme aval
- Il ne faut surtout pas trainer lorsque tarde le payement : s’il n’existe pas de privilège attribué à celui qui poursuit en premier, il est néanmoins intéressant d’engager les poursuites avant que la situation du débiteur devienne catastrophique ou irrémédiable. D’autre part, pour certaines créances, notamment à l’égard de débiteur non professionnels, les prescriptions, qui éteignent la créance, sont particulièrement courtes. C’est notamment le cas des créances des petits artisans et commerçants qui n’est que d’un an ! Ces prescriptions peuvent être interrompues, mais uniquement par une citation en justice !
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On agira donc prudemment en adressant rapidement un envoi recommandé qui aura déjà le mérite de faire courir les intérêts si des conditions générales ne sont pas d’application et, dans les semaines qui suivent, en engageant procédure en récupération.
Depuis peu, les créances non contestées contre des entreprises bénéficient d’une procédure allégée ne nécessitant plus de faire convoquer le débiteur par huissier devant les Tribunaux pour solliciter un Jugement. Si elle n’est pas sans inconvénients dans un certain nombre de cas, cette procédure d’injonction de payer par avocat puis par huissier permet un allègement de certains frais.
Elle ne s’applique qu’aux créances non contestées avec cet inconvénient que ces contestations peuvent survenir à tout moment, amenant le dossier devant le Tribunal, comme une espèce de procession d’Echternach ou de jeu de l’oie.
A côté de cette formule light , ou prétendue telle, il demeure la procédure normale qui implique convocation ( citation ) du débiteur devant le Tribunal et obtention d’un jugement de condamnation qui sera ensuite exécuté par huissier. Cette procédure reste pour l’instant d’application face à des consommateur et à toute personne qui n’est pas une entreprise. Elle aura lieu devant le Tribunal de première Instance, le Tribunal de l’entreprise ou le Juge de Paix selon les cas.
Enfin, s’agissant de créances internationales, où créancier et débiteur viennent de pays différents au sein de la Communauté Européenne ( En ce compris, jusqu’à présent, le Royaume Uni mais pas le Danemark ), existe une Procédure Sommaire d’Injonction de Payer Européenne permettant à moindre coût ( 100 € de droit de greffe ) et sans convocation du débiteur étranger d’obtenir contre celui-ci un jugement exécutoire dans toute la Communauté Européenne.
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Quand, d’une des manières visées ci-dessus, l’on bénéficie d’un « titre exécutoire », Jugement ou Ordonnance selon les cas, l’on confiera ce document, appelé « expédition » pour exécution à un huissier de Justice pour récupération de son dû.
Il faut ici rappeler que si les frais de Justice et d’huissier s’ajoutent à la dette du débiteur, ils seront à charge du créancier si la créance de celui-ci s’avère irrécupérable. On évitera donc de s’engager à la légère dans des mesures qui peuvent s’avérer coûteuses.
Pour arriver à ses fins, l’huissier de Justice dispose de trois possibilités de saisie : immobilière, mobilière ou saisie arrêt. Pour ma part, je préfère assez généralement cette dernière mesure qui consiste à saisir une créance dont le débiteur est bénéficiaire : créance de salaire, de pécule de vacances, créance de dépôt bancaire ou sur des clients qui sont redevables à l’égard du débiteur. D’où, comme précisé en début de cet exposé, l’utilité de disposer d’un maximum d’information sur son débiteur, ce qui permettra de frapper plus aisément là où cela peut faire mal et où la saisie s’avèrera efficace : saisi-arrêté, le débiteur de votre mauvais payeur devra vous payer et non payer à votre débiteur qui ne vous paie pas…
La saisie mobilière est malheureusement souvent la seule possibilité dont on dispose pour exécuter un Jugement. Et cette possibilité est réduite d’une part par le développement des opérations de leasing ( le matériel et les véhicules en leasing appartiennent à l’organisme financier, pas à leur utilisateur..), et d’autre part, plus simplement encore, par les maigres valeurs des biens mobiliers en vente forcée. Il suffit de se rendre dans une salle de vente lors de ventes sur saisie pour se rendre compte des (très) bonnes affaires qu’on peut y faire, tant les biens saisis partent pour des prix parfois ridicules.
La saisie mobilière ne sert elle donc à rien ? Non, mais elle est désormais plus une menace qu’agite l’huissier pour obtenir payement d’acomptes plutôt qu’une réelle exécution forcée.
Sous-espèce de la saisie mobilière la saisie de récolte ( appelée saisie brandon ) peut s’avérer efficace mais il faut se montrer rapide et saisir avant que la récolte ..ne soit récoltée.
La saisie immobilière enfin devrait permettre plus aisément d’obtenir payement puisqu’elle porte sur des immeubles appartenant au débiteur. Mais il faut d’abord que celui-ci soit propriétaire d’un tel bien, ce qui n’est pas le lot de tout le monde. Il faut ensuite que ce bien ne soit pas (trop) hypothéqué ou que le créancier hypothécaire soit largement désintéressé, faute de quoi les coûteuses mesures d’exécution immobilière ne profiteront qu’à celui-ci..
Le 27 février 2019